Macron temporise sur le dossier des retraites
Devant les présidents de groupe du Sénat, le chef de l’Etat a estimé, mercredi, qu’il fallait d’abord sortir de la crise
La réforme des retraites peut attendre. C’est, en substance, ce qu’a indiqué, mercredi 2 décembre, Emmanuel Macron au cours d’un déjeuner à l’Elysée avec le président du Sénat, Gérard Larcher, et les responsables des huit groupes représentés au Palais du Luxembourg. Ces agapes avaient, avant tout, pour objet de retrouver un peu de sérénité, après la récente empoignade entre l’exécutif et les deux Chambres du Parlement, au sujet de l’article 24 de la proposition de loi « sécurité globale ». Mais d’autres thèmes ont été abordés, parmi lesquels la construction d’un système universel de pensions, approuvée début mars en première lecture à l’Assemblée nationale puis mise entre parenthèses à cause de la pandémie de Covid-19.
Plusieurs invités du président de la République désiraient y voir plus clair, après les interventions dissonantes de membres du gouvernement. Dimanche, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait lancé que cette réforme était « la priorité absolue », notamment pour permettre à l’Etat de « rembourser sa dette ». Pas si vite, avait objecté sa collègue en charge du chantier, Elisabeth Borne : « La priorité absolue, c’est de sortir de la crise sanitaire, économique, sociale, de protéger les emplois. »
M. Macron a donc été sollicité, mercredi, pour livrer le fond de sa pensée. « Le chef de l’Etat a expliqué que le projet ne sera pas mis en œuvre pendant la crise que nous vivons », rapporte Bruno Retailleau, le chef du groupe Les Républicains au Sénat, en ajoutant une pointe d’ironie : « Ses propos ne m’ont pas paru confirmer les récentes déclarations de Bruno Le Maire. »
La réponse du président de la République visait à signifier qu’ « il y a un sujet sur les retraites » mais « avant de s’y attaquer, il faut régler les autres problèmes du moment, sur le plan sanitaire, économique et social », enchaîne Hervé Marseille, le dirigeant du groupe Union centriste. « Le président de la République a dit qu’il serait déraisonnable de poser le sujet sur la table aujourd’hui et qu’il faudrait attendre un bilan chiffré de la crise pour apporter une solution », relate Guillaume Gontard, patron du groupe Ecologiste – solidarité et territoires.
Pour Eliane Assassi, à la tête du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste, le locataire de l’Elysée « n’a pas voulu déjuger ses ministres » :« Il a réaffirmé la nécessité de cette réforme, d’autant plus qu’elle doit, selon lui, participer au remboursement de la dette mais pas tant que la crise sanitaire serait là. » S on homologue du groupe Socialiste, écologiste et républicain, Patrick Kanner, abonde dans le même sens : « La réforme est clairement considérée comme un élément de rééquilibrage de la Sécurité sociale mais elle passe après la crise sanitaire et sociale. »
Pas de calendrier
Au cours de la discussion, aucun calendrier n’a été avancé par le chef de l’Etat. « Je l’ai senti très prudent, conscient que cette réforme est nécessaire mais sans affirmer qu’il faut la faire avant le terme de son mandat », avance Claude Malhuret (Les Indépendants – république et territoires). « Ce n’est pas une priorité mais je n’ai pas compris qu’elle était annulée », complète Jean-Claude Requier, président du groupe Rassemblement démocratique et social européen.
Il semble toutefois peu probable que le projet revienne au Parlement durant le premier semestre 2021, à en croire les pronostics de plusieurs convives de M. Macron. « Sachant qu’on n’est toujours pas tiré d’affaires, qu’on ignore comment l’épidémie va évoluer et qu’il y aura éventuellement une troisième vague, ça semble compliqué », souligne M. Gontard. Sans compter un programme législatif déjà chargé dans les prochains mois. Conclusion de Mme Assassi : « Il n’a pas précisé de date mais je ne vois pas comment il peut présenter cette réforme avant l’été. »
Ensuite s’ouvrira une autre séquence, liée à l’élection présidentielle de 2022. M. Retailleau « doute fortement que cette réforme soit lancée l’an prochain, alors que débutera la campagne » pour la magistrature suprême. « Macron n’est pas dingue : il ne va pas se mettre en péril comme Hollande avec la loi El Khomri », juge M. Kanner. Pour le socialiste, il ne s’agit donc pas d’un « enterrement » mais d’ « un report », « avec l’espoir de pouvoir la mettre en œuvre s’il est réélu ».